Longtemps pensés pour un modèle familial classique, les droits familiaux à la retraite ne collent plus vraiment aux réalités d’aujourd’hui : familles monoparentales, mères actives, parcours de vie variés… Le système actuel montre ses limites. Face à cette situation, la DREES (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques) ****propose des pistes de réflexions pour le rendre plus équitable. Comment faire évoluer les droits familiaux liés à la retraite pour mieux prendre en compte les évolutions de la parentalité et du travail ?

1/ Le taux de natalité en déclin

Aujourd'hui, les droits familiaux à la retraite sont au cœur des débats sur l’évolution du système de retraite. Lorsque l’on parle des droits familiaux, on entend principalement la majoration de pension pour les parents. Actuellement, les parents ayant trois enfants ou plus bénéficient d’une majoration de 10% sur leur pension retraite. Ce qui veut dire que plus leur retraite est élevée, plus cette majoration va également être élevée. À l'origine, ce dispositif avait été mis en place pour apporter un soutien aux familles nombreuses, mais aussi pour encourager et renforcer le taux de natalité de la France.

Cette mesure est désormais remise en question. Certains estiment qu’elle n’est plus adaptée aux réalités d’aujourd’hui. En effet en 2023, le nombre de naissances en France a baissé de 21% par rapport à 2010. Le président de la République a parlé de "réarmement démographique" en janvier 2024,mais un an plus tard, la situation semble ne pas avoir changé.

Entre 2000 et 2012, les femmes en France avaient en moyenne deux enfants, un niveau plutôt élevé par rapport au reste de l’Europe. Depuis, la tendance s’est inversée. La fécondité baisse doucement depuis 10 ans, et chute brutalement depuis 2022.

(évolution du taux de natalité en France)

La France s’aligne peu à peu sur la moyenne européenne, autour de 1,5 enfant par femme. Cette évolution relance la question du soutien à la parentalité dans les politiques publiques, et donc celle des droits familiaux à la retraite. Il faudrait donc mieux répartir cette aide de majoration de pension retraite pour les parents, notamment en l’ouvrant aux parents de moins de trois enfants. Mais certains craignent que la réforme entraîne des pertes importantes pour les familles nombreuses, qui comptaient sur cet avantage.

Face à ce constat et ces ambivalences, la DREES a récemment publié une étude proposant plusieurs pistes de réforme. Parmi elles, l’idée de réserver cette aide uniquement aux mères ou encore de l’accorder dès le premier ou le deuxième enfant. Ces propositions pourraient modifier en profondeur le fonctionnement des droits familiaux en matière de retraite, avec des conséquences variées selon les profils des retraités.

2/ Les évolutions de la parentalité et du travail

Depuis plusieurs années, la manière de fonder une famille et de travailler a beaucoup changé. On ne vit plus tous selon le schéma dit traditionnel. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de familles monoparentales, recomposées ou en union libre, et ces situations deviennent courantes. Selon l’INSEE en 1990, 12 % des familles avec enfants mineurs étaient monoparentales. En 2021, cette proportion a doublé, pour atteindre 25 %.

En parallèle, les femmes travaillent beaucoup plus qu’avant.Dans un article de l’INSEE en 2023, le taux d'activité des femmes de 15 à 64 ans s'établissait à 71,2 %, contre 76,8 % pour les hommes. Cet écart a très nettement diminué entre 1975 et 2023, passant  de 30 points d'écart à moins de 5,6 points. Mais cela ne réduit pas certaines inégalités car ce sont encore les femmes qui assument la plus grande partie des tâches liées aux enfants et à la maison. Même si certains pères s’impliquent davantage, l’égalité n’est pas encore là. Toujours d’après l’INSEE, en moyenne, les femmes consacrent 3h26 par jour aux tâches domestiques (ménage, courses, soins aux enfants, etc.), contre 2h pour les hommes.

Ces évolutions montrent que notre système de retraite – et en particulier les droits familiaux – doit s’adapter. Il faut prendre en compte le fait que désormais les femmes travaillent, qu'il y a une diversité des parcours de vie, des carrières souvent hachées des mères, et la réalité du partage inégal des responsabilités familiales.

3/ Les propositions de réforme de la DREES

Pour remédier à ces inégalités, la DREES propose plusieurs pistes de réforme :

1️⃣ Limiter la majoration aux mères uniquement : Cette mesure vise à réduire les écarts de pension entre hommes et femmes, en reconnaissant que les mères subissent souvent des interruptions de carrière ou des passages à temps partiel pour élever leurs enfants, ce qui impacte négativement leurs droits à la retraite.

Aujourd’hui les femmes touchent en moyenne des pensions de retraite inférieures de 39% à celles des hommes (INSEE).

2️⃣ Accorder la majoration dès le premier ou le deuxième enfant : Actuellement réservée aux parents de trois enfants ou plus, cette extension permettrait de soutenir financièrement un plus grand nombre de familles, en particulier celles avec un ou deux enfants, et de mieux refléter les réalités familiales actuelles.

3️⃣ Remplacer la majoration proportionnelle par une somme fixe : Plutôt que d'appliquer un pourcentage de 10 %, la DREES suggère une majoration forfaitaire de 40 € par mois pour un enfant, 105 € pour deux enfants, et 160 € pour trois enfants ou plus. Cette approche vise à renforcer l'équité en offrant un soutien uniforme, indépendamment du montant de la pension, et à bénéficier davantage aux retraités aux pensions modestes.

La réforme des droits familiaux à la retraite pose une question essentielle : comment assurer son financement à long terme ? Avec un coût estimé à 8,4 milliards d’euros par an, l’extension du dispositif pourrait alourdir significativement les dépenses publiques. Dans un contexte de déficit budgétaire, chaque nouvelle mesure est scrutée de près pendant ces mois de discussions entre le gouvernement et les partenaires sociaux sur le sujet des retraites.