Être indépendant signifie exercer à son compte, travailler pour soi, de façon autonome, sans lien de subordination. Le domaine d’activité n’a pas d’importance, être indépendant englobe différents métiers, secteurs et statuts. Juridiquement, le travailleur indépendant est un chef d’entreprise. Il peut être Dirigeant d'entreprise ou entrepreneur Individuel. Le choix du statut a un impact direct sur la protection sociale des individus. Il est assez compliqué de s'y retrouver, car il n'y a ni statut unifié, ni règle générale, mais plutôt de nombreuses spécificités. Le sujet est d'actualité et soulève de nombreuses problématiques.
Pour y voir plus clair, nous allons revenir sur le statut d'indépendant, son histoire, sa définition et ce qu'il inclut. Nous verrons ensuite pourquoi c'est un sujet d'actualité à travers les grandes tendances et les actions menées.
I- Le statut d'indépendant
a. Définition : Salariés vs Non Salariés
Les indépendants s'opposent par définition aux salariés.
Un salarié travaille aux termes d'un contrat pour une entité ou une entreprise. En échange de ce travail, il obtient une rémunération, un salaire, avec un lien de subordination entre employé et employeur.
Un non-salarié ou un indépendant, travaille également, mais la rémunération prend une autre forme qu'un salaire. Un indépendant est autonome dans son organisation, travaille pour lui-même, sans lien de subordination. Cette autonomie est à double tranchant puisqu'elle impacte également sa protection sociale, nous y reviendrons.
b. Depuis quand parle-t-on de travailleurs indépendants ?
La Sécurité sociale introduit en 1945 la notion de travailleur « non-salarié », pour répondre notamment au refus des travailleurs indépendants de l’époque de rejoindre le régime général naissant (voir petite histoire de la retraite en France). Depuis, deux régimes distincts coexistent en France, même si on observe un mouvement d’harmonisation progressive.
Ce mouvement se traduit par des avancées législatives telles que :
- l'autorisation du cumul des indemnités chômage avec une activité d’indépendant (2003)
- la création du statut d’auto-entrepreneur (2008)
Si les non-salariés ont opté, au départ, pour des cotisations plus faibles, c'était principalement afin de ne pas plomber la trésorerie de leur société. La retraite était, généralement, assurée par la revente de l'entreprise. Avec la diversification des statuts et des situations, le sujet est donc remis sur la table et plus d'actualité que jamais.
c. Quelles sont les différentes catégories de travailleurs indépendants ?
La définition d'un indépendant est large. Un indépendant peut être à la fois dentiste, micro-entrepreneur, président de SARL, et bien d'autres...
Le panorama est donc vaste et varié. Prenons un peu de hauteur et regardons à quoi cela ressemble.
a. Le panorama
b. Les critères de distinction
Pour exercer une activité d'indépendant il faut choisir un statut juridique. Cela implique de définir plusieurs critères :
- travailler seul ou en société
- séparation ou non du patrimoine personnel et du patrimoine professionnel
- statut fiscal dans un cadre juridique
→ entreprise individuelle
Celui qui possède le statut juridique d'entreprise individuelle exerce, seul, sa propre activité. Son patrimoine professionnel et privé sont entremêlés et l’entrepreneur est alors soumis à une responsabilité totale de l'entreprise.
→ exercice en société
Ce statut est choisi lors de la création d'une activité en société, où es moyens sont mis en commun par les différents associés. Nous faisons ici la distinction entre une personne morale (l'entreprise) et les associés.
→ collaborateur libéral
Un collaborateur libéral exerce sa profession auprès d’un autre professionnel, personne physique ou morale, exerçant lui-même la même profession. Le collaborateur travaille de manière indépendante, sans lien de subordination.
Le choix de statut juridique est important, car il conditionne notamment la protection sociale du travailleur. Le régime social du dirigeant dépend, en effet, de la structure juridique choisie et de sa fonction au sein de celle-ci.
Un indépendant, par définition, est donc très autonome, à la fois sur son choix de statut, son travail et son organisation, mais la contrepartie est que cette autonomie impacte aussi sa protection. Il dépend beaucoup plus de lui-même qu'un salarié.
Le risque de précarité des travailleurs indépendants, lié aux variations de leur volume d’activité, concerne à la fois le court terme et le long-terme.
II- La protection sociale des indépendants : une question d'actualité
Le cumul d’activités salariées et indépendantes, simultanées ou à différents moments d’une carrière professionnelle, peut se révéler complexe, à court terme (administratif, impôts…) et à long terme (calcul des pensions de retraite, obtention de prêt bancaire, etc.). En particulier, le droit et la protection sociale n’ont pas été conçus pour intégrer les activités relevant de l’économie collaborative et du travail « à la tâche ». Les changements de paradigme et de rapport au travail soulèvent de nouvelles questions. Le législateur et les acteurs de cet écosystème doivent donc travailler en profondeur pour trouver des réponses satisfaisantes et adaptées, au sein d'un vaste groupe hétérogène.
a. Les tendances
- Flexibilisation du travail
Ces dernières années ont vu l'émergence de nouvelles tendances dans notre rapport au travail.
De l'ubérisation au futur du travail, ce que l'on constate est une flexibilisation, qui se traduit, dans certains cas, par une précarité professionnelle. La zone grise entre salariat et non-salariat est de plus en plus importante, les contours et les limites étant flous. Cette flexibilisation qui apporte, d'un côté, des possibilités nouvelles, met également en évidence de nombreuses disparités.
Les débats autour de la protection des chauffeurs ou des livreurs par exemple met en lumière une partie de ces problématiques.
- Développement de l’externalisation par de nombreuses entreprises
Quand une firme embauche un salarié, celui-ci peut être considéré comme une force internalisée. Cette méthode entraîne de nombreux coûts économiques (le salaire, les primes, les cotisations) ou non-économiques (la formation, le temps d'adaptation). C'est pour cela que certaines entreprises préfèrent embaucher des personnes externes, comme des indépendants, pour accomplir certaines tâches sur une durée de temps limitée, sans pour autant sacrifier certaines ressources. Cela permet d'aller chercher des compétences spécifiques, nécessaires à la bonne réalisation d'un projet. L'externalisation est une méthode qui se développe de plus en plus, entraînant une hausse de la demande des externes, dont les indépendants.
L'émergence et le développement de plateformes de mises en relation comme Comet, Crème de la crème, ou encore d'accompagnement comme Sthree, le montrent bien.
Le nombre de travailleurs indépendants a augmenté de 25 % depuis 2003, soit 10 fois plus vite que la population salariée.
Transition
La crise que l'on vit depuis quelques mois a été un accélérateur de tendances. Pour accompagner cette transition importante, des réformes sont en cours et de nouveaux acteurs s'engagent pour dessiner un nouvel écosystème, Caravel en fait partie.
b. Les réformes
Le RSI (Régime Social des Indépendants) avait, jusqu’au 1er janvier 2018, pour mission de collecter les cotisations sociales des indépendants et de gérer les prestations sociales, avec l’aide de l’URSSAF et des organismes conventionnés.
Par soucis de simplification, depuis 2020, les indépendants ont rejoint le régime général.
L’adossement du RSI au régime général doit permettre aux travailleurs indépendants de bénéficier d’une sécurité sociale plus performante et plus réactive. Cette réforme prend ainsi acte de la rupture de confiance entre les travailleurs indépendants et le RSI, liée aux nombreux dysfonctionnements du régime. Cela doit conduire à une véritable amélioration de la qualité de service offert aux travailleurs indépendants.
L’intégration du RSI au régime général doit également faciliter le parcours professionnel des nouvelles générations, moins linéaire qu’auparavant. De nombreux assurés connaissent, dans une même carrière professionnelle, une succession d'entreprises voire de statuts professionnels. Certains les cumulent même en même temps, ce sont les pluri actifs (voir je suis salarié(e) et indépendant(e) qu'en est-il pour ma retraite ?).
80% des créateurs d’entreprise étaient précédemment salariés.
L’intégration du RSI au régime général est une réforme de l’organisation de la Sécurité sociale destinée à limiter fortement les changements administratifs que doivent opérer les assurés à chaque changement de statut professionnel.La réforme ne modifie pas les droits des travailleurs indépendants : les pensions de retraite, les remboursements de soin, les indemnités journalières restent inchangés. Elle est également sans incidence sur les taux de cotisation. (En savoir plus sur l'impact de la réforme pour les indépendants).
Le cas des salariés portés :Tous les indépendants ne sont pas égaux sur la problématique de la protection sociale. Les salariés portés bénéficient par exemple, par le biais de la société de portage, d’une protection. Ce n’est pas le cas des créateurs d’entreprises ou des auto-entrepreneurs.
c. Les acteurs qui s'engagent
De nouveaux acteurs s'engagent afin de promouvoir ces modes de pensées et de mettre en place des actions concrètes, en faveur de la protection des indépendants.
C'est le cas par exemple du syndicat indépendants.co, qui cherche à :
- Rendre lisibles des problématiques sociales parfois perçues comme complexes
- Rendre visibles les difficultés actuelles des indépendants
Porté par l'association, le mouvement "3 millions d'indépendants" vise à définir le statut des indépendants de demain. Cette grande consultation nationale met en lumière l'inadéquation actuelle des statuts et des droits des indépendants par rapport à leurs besoins.
Pour en savoir plus sur le futur du travail, nous vous conseillons le reportage de Samuel Durand Work in progress ou le livre de Laetitia Vitaud, Du labeur à l'ouvrage.
Pourrait-on dire que les indépendants sont les témoins des transformations du travail ?
Dans son étude sur le sujet, Sylvie Célérier (université Lille-Clersé-UMR 8019, Sylvie Le Minez (Insee) constate que le travail indépendant se trouve au cœur de nombreux débats sur l’avenir du travail et de la protection sociale. Elle interroge la pertinence du critère de subordination juridique comme élément de catégorisation. En effet, les disparités parmi les indépendants sont fortes. Il est donc très intéressant d'étudier ce cas tout en se confrontant à une complexité certaine pour en tirer des conclusions générales.
On peut, en tout cas, affirmer que la catégorie des indépendants a énormément évolué depuis sa création en 1945. Les accélérations des changements sur notre rapport au travail prouvent que le cadre d'exercice doit évoluer.
Ce qu'il faut retenir
- Une multitude de métiers peuvent être exercés par un indépendant.
- Pour connaître ses droits et ce à quoi on cotise cela dépend du type et secteur d'activités qu'on exerce, ainsi que de notre statut juridique, chiffre d'affaires réalisés et de la date de création de son entreprise.
- Face aux évolutions des nouveaux modes de vies et de notre rapport au travail, des débats et des réformes s'engagent et pourraient être amené à améliorer vos droits.
Actions concrètes à faire après lecture de cet article
- S'assurer de savoir ce à quoi on cotise pour sa retraite.
- Regarder sur le site info-retraite.fr quels sont nos droits ouverts à aujourd'hui.
- Tester le simulateur Caravel pour voir si ouvrir un plan épargne retraite serait intéressant pour vous